Une minute de silence
voix intérieures des personnages

textes écrits par Tiphaine Samoyault

 

Martine
Aline
François Oléron
Karine
Philip
Bernard
Véra
Gildas Barolin
Anne-France Sourdille
Rémi
Nathalie
Christophe
Romain
Antoine Ratier
Franck Boudier
Justine

 

 

Martine

ça va nous tomber dessus si ça se trouve / eux là, tous, font comme si de rien n’était / moi je suis pas rassurée, on devrait avoir des primes de risque et encore je prends jamais l’avion, eux si, mais moi à mon avis on est foutus / ils ont pas l’air de le penser mais moi notre société, j’en donne pas cher, on se demande pourquoi on fait des enfants, on se crève à les élever pour qu’ils soient tués par des fous, voilà ce qui se passe, merci bien / je sais pas ce qu’elle en pense Nathalie, de toute façon elle a pas d’enfants, comme ça ils se feront pas tuer par des fous mais moi c’est ça que je pense, qu’on vit dans une société de fous / à force de vouloir tout contrôler le monde, on le paye, hein monsieur Ratier, hein monsieur Boudier, elle, Justine, elle doit avoir l’âge d’Émilie, pas d’enfants non plus, trop jeune, moi, à son âge, j’avais quel âge quand il est né Julien, vingt-deux / des fous qui s’entretuent, des dingues avec leurs avions, on est plus tranquille nulle part, eux, je sais pas / Christophe et Romain, ils ont l’air un peu choqués quand même, surtout Romain, Christophe, il dit jamais rien, faut lui arracher les mots de la bouche, Nathalie, ça, elle a la langue bien pendue, pas d’enfants, tués par des fous, des dingues avec leurs avions

 

Aline

le ciel est à tout le monde / peut-être qu’il va pleuvoir, déjà l’automne, toujours gris à Paris, blanc avec des traînées sombres, des avions transformés en véritables bombes volantes / sur fond de ville, de ciel, ils se détachent / ciel en état d’alerte / camions de pompiers / le bruit des sirènes pas couvert complètement par la voix des présentateurs qui cherchent le quatrième avion / ciel gris aujourd’hui, impression que quelque chose se cache derrière, menaçant / drôles d’orages les bombes volantes / plus grave attentat que l’Amérique ait jamais connu, de son histoire, des oiseaux qui passent à tout allure, j’ai peur des avions, je tremble à chaque fois que j’en entends un, impression qu’il est tout proche / le ciel n’est plus à Dieu, quel Dieu peut-il bien être, leur Dieu? mourir pour Dieu dans le ciel bleu, il faisait beau mardi à New York / plus grave attaque terroriste de son histoire, ciel de pompiers en état d’alerte, vraiment pas rassurant, disparaître dans une déchirure du ciel non, le blanc me tombe dessus / qui se cache derrière? / sirènes, ciel en état d’alerte, combien de pompiers sont morts dans les tours?, je n’entends plus la voix des présentateurs

 

François Oléron

C’est parti pour une minute, il ne faudrait pas / et Clarisse qui est à New York / que je me mette à rire / comme à l’enterrement de Gilles, je ne pouvais pas m’arrêter / ça la foutrait mal. Et l’autre qui prend un air recueilli, comme si il avait là-bas quelqu’un qui était mort, a jamais dû quitter la France, pavillon de banlieue et appart en propriété partagée à Palavas-les-flots / New York, dans les films il l’a vue Christophe, veut se faire bien voir / sait même pas ce que c’est une tour de cent étages / putain c’était quelque chose la vue de là-haut, faisait pas très beau / vue d’avion / les mecs à quoi ils pouvaient penser quand ils ont transpercé la tour comme du beurre, tout simple comme ça, comme dans les films, paf / cette conne qui renifle à côté / et puis le feu et elle s’écroule, et paf / encore plus beau qu’aujourd’hui, plus beau que quand j’y étais, on peut dire qu’ils ont réussi leur coup / c’est Martine, j’en suis sûr / peut-être un ou deux en voyage organisé, pas le temps de rien voir, en transit et hop, un petit tour dans les Rocheuses, le grand Canyon depuis le car / moi j’y étais, maintenant on pourra plus, comme si ça n’avait jamais existé, New York, comme dans les films, comme si ça n’avait jamais existé

 

Karine

Philip, Bernard je sais pas leur noms de famille, Véra, Mohamed Atta, difficile de se rappeler le nom des autres, Samir quelque chose, Samir al quelque chose, Monsieur Barolin, Anne-France, Samir Jarrah je crois, les autres encore plus difficile, Rémi, putain, on dirait qu’il est prêt pour la guerre, Al Mawi ou Shehhi ou Zaoui, Mohamed Atta on le retient le mieux, Atta, attaque, facile à se rappeler, on l’oubliera pas, Nathalie, qui est à côté d’elle? lui je sais plus son nom, Mohamed Atta, pas beaucoup de reubeus dans cette boîte, à côté, je devine, c’est Romain, Anne-France je suis sûre qu’elle est raciste, déjà elle m’aime pas trop / étudiant modèle, belle tête sur la photo, à Hambourg / avait mangé une pizza la veille, savait qu’il allait mourir, faut le faire / Romain et l’autre à côté, comment il s’appelle déjà? pourquoi est-ce que je m’en souviens plus, doit pas trop aimer les arabes lui aussi / Mohamed Atta / moi pareil j’aurais mangé une pizza / des héros même si c’est horrible / faut le faire / Antoine Atta, Antoine Ratier, rateau, dentier, lui aussi à l’attaque, Franck Boudier, je l’appelle Boubou, Justine, Justice Justine, raide comme la justice

 

Philip

C’est midi, juste midi / avec le décalage horaire, ça fait quelle heure aux US? / jolie cravate aujourd’hui Franck Boudier / rouge à pois blancs, je sais pas combien il en a, des quantités, de toutes les couleurs, bleu, blanc, rouge, pour tous les jours de la semaine, des cravates de toutes les couleurs. À quoi il pense, Franck Boudier? à ça? est-ce que tout le monde pense à ça? / j’aimerais bien être dans sa tête / il faut que je me concentre / je l’aime bien son nez bouge un peu, sûr qu’il doit y penser, devrais me sentir encore plus concerné que les autres / je leur répète les Anglais c’est pas pareil, on n’est pas les maîtres / aimerais bien travailler avec elle / à sa place / dans ses cheveux / je me concentre / sa bouche / vraiment belle / on a vu tellement d’images / penser à autre chose / du vent dans ses cheveux, sur sa bouche, on dirait qu’elle ferme les yeux, le vent, ses cheveux caressent sa joue, vont dans son cou, la pochette rouge assortie à la cravate de Boudier, pas mal / la faire rire / comme elle il devait y en avoir dans le World Trade Center / nice as a pie / peut-être mortes ou blessées / à croquer / rouge, il est toujours midi / en profiter pour déjeuner avec elle / comment on va savoir que c’est fini / lui proposer dès que c’est fini

 

Bernard

devais prendre l’avion / silence, un signe de la tête, le silence rend plus perceptibles la rumeur qui monte / j’entends la ville qui monte / plutôt soulagé finalement de n’avoir pas pris l’avion ce matin / il y a trois jours, ne pas y penser la première fois qu’on reprendra l’avion / il y a trois jours dans l’avion ils étaient bien installés, un journal, un café, les hôtesses comme tous les autres jours, désirez-vous quelque chose à boire?, je vais dormir un peu, un reste de nuit / là, un drapeau qui flotte, désirez-vous quelque chose? / en plein dans la tour / plutôt soulagé de n’avoir pas pris l’avion / morts au moment exact où ils se sont enfoncés dans la tour? ou avant, un sourire de l’hôtesse, son air grave tout à coup / compris quelque chose dans un reste de nuit / cette tour paraît haute maintenant, et fragile / les choses en moins, ils l’ont quand même un peu cherché / comment est-ce qu’on ses ent cinq minutes avant de mourir, bottes de sept lieues, la chute des corps, de la folie, on va mourir, peut-être que non, détournement avec prise d’otages, content de ne pas travailler dans une tour / (désirez-vous quelque chose?) / choisir de sauter, la rapidité avec laquelle ça s’écroule après, mourir en sautant de la tour ou crever dedans, courir comme un fou

 

Véra

Bien ce qu’il a dit Barolin, c’est vrai qu’on aurait pu être à leur place / un hasard ceux qui étaient là, pas là, pas encore arrivés / le réveil qui a pas sonné / l’hôtesse de l’air avant le mont Saint-Odile, son réveil avait pas sonné / elle pleurait à la télé / encore des gens qui pleuraient hier à la télé / on va pas se marrer / l’avait échappé belle / ça va durer un moment, avec toutes les compagnies qui vont se casser la gueule, pas question de négocier encore avec American Airlines / elle a l’air nerveuse Aline / se tourner vers les compagnies nordiques, KLM, SAS / encore moi qui vais me coltiner tout le boulot / Aeroflot ça fait pas sérieux, les compagnies arabes je t’en parle même pas, personne en voudra, dès qu’un barbu entrera aux toilettes, je te dis pas / il a dit qu’on trouverait des solutions, moi je veux bien mais / qu’est-ce qu’on va faire avec Pierre ce soir / qu’il les trouve Barolin ses solutions, parce que moi / on parlera pas de ça j’espère / au moins pas de télé, ça commence à me gonfler total / du champagne / le boss, il a pas l’air de trop s’inquiéter / moi à sa place ou celle d’Antoine / non quand même pas du champagne, ce serait un peu too much, en ce moment, du champagne

 

Gildas Barolin

Bien la première fois que je dois faire une chose pareille / ils sont tous venus, bon, est-ce que j’arrête vraiment au bout d’une minute pile? / j’aurais pu donner la parole à Antoine il aurait fait ça très bien / dix secondes onze et douze et treize et quatorze et Clarisse qui est à New York elle a dû avoir une belle peur / elle est solide, pas tout à fait dans le même quartier / cinquante mille personnes à l’intérieur / oublié de lui demander si elle avait pu rencontrer Humphrey Jones / vingt six et vingt sept et vingt-huit et / combien d’entreprises en tout là-dedans? / est-ce qu’ils viendront tous à mon pot de retraite / Justine, sûrement. François? Karine? toute l’équipe / Fêter ça dignement, peut-être dans un restaurant / Clarisse / ou ici mais pas assez chaud pour la terrasse novembre / y songer / je serai allé jusqu’au bout / jusqu’au bout recueillis / ça doit faire au moins quarante-cinq je leur ferai un signe / rappeler Clarisse bloquée / pas près de reprendre / demander à Anne-France tout à l’heure / s’installer à la campagne / cinquante-cinq et / eux aussi jusqu’au bout / c’est le moment de s’en aller / il faut bientôt que je leur fasse un signe, pas forcé de regarder ma montrer, un petit signe de la main

 

Anne-France Sourdille

Pas lui faire ce plaisir de le regarder quand même pourquoi il s’est foutu en face de moi aussi ce con, avec son pantalon qui fait des plis, toujours à se faire remarquer avec son beau costard / trop long / il était pas si fier l’autre jour quand je lui ai dit ses quatre vérités / bien coupé quand même / il prend l’air recueilli comme si ça lui faisait quelque chose / un égoïste pareil ça m’étonnerait qu’il y pense à tous ces gens qui sont morts / il ne pense qu’à lui après tout ce que j’ai fait pour lui / et la petite idiote qui est à côté de lui, sûr qu’elle va chercher à lui mettre le grappin dessus / le danger il sait pas ce que c’est / mis en danger ma famille moi et lui rien / marre de cette boîte / incompétents et ça se croit les meilleurs / ça non il faisait pas le fier je lui ai dit : tu es incapable d’aimer personne / pas comme maintenant avec son air contrit / vraiment marre de cette boîte, incapable d’aimer personne que lui / me demande si je vais pas m’en aller en même temps que Gildas Barolin, ce serait pas la première fois / de toute façon je vois pas ce qu’on va devenir, plus personne va avoir envie de voyager après ça, on est mieux chez soi (ça oui, on est nettement mieux chez soi)

 

Rémi

Prête, Aline? pour une minute? on se croirait à un match de foot au moment de la Marseillaise, putain, prête à défendre la patrie de la liberté? des yeux perçants / aurait pu être pilote de chasse dans une autre vie, liberté égalité choucroute, tiens v’la Oléron en représentation, il en tire une tête, Oléron, il va à un enterrement ou quoi? tout juste s’il va pas se mettre à chialer, la gueule de circonstance, putain quelle déprime ! on dirait vraiment qu’il va chialer / j’y crois pas ! / tirons-nous vite fait / Karine, au moins, elle est pas désagréable à regarder, on sait pas trop ce qu’elle a dans la tête mais bon, doit penser à Oléron, depuis qu’elle est entrée dans la boîte, Anne-France faut plus la prendre avec des pincettes, jalouse / l’angliche il a peut-être de la famille en Amérique, ne rien montrer, discrétion anglaise, teint anglais, thé anglais, fair play mon vieux, on peut se les mettre où je pense maintenant, les “circuits à la carte” / qui va se faire dézinguer le premier, lui ou moi? / tiens, j’avais pas remarqué que Bernard avait changé de lunettes, s’est coiffé avec une fourchette ou quoi, il devait prendre l’avion se matin / la gueule qu’il fait, ouh la la !

 

Nathalie

Y penser pendant une minute alors qu’on n’arrête pas de penser à ça, depuis mardi, je vois pas bien à quoi ça rime / un drapeau français là / tous les drapeaux américains, paraît qu’ils sont déjà en rupture de stock / le drapeau / même là, je crois voir l’avion / il a disparu, là, il traverse ma tête, chaque image qui me vient traversée par un avion / Bernard / on n’arrête pas d’y penser et maintenant il faut y penser pendant une minute, on a le droit de pas penser à autre chose / faudra pas que j’oublie de / où est le quatrième avion? ils disaient / ils auraient aimé qu’il y en ait encore plus / Philip / pour une fois qu’il se passe quelque chose / au début j’y croyais pas / l’avion qui passe à travers Philip et qui ne ressort pas, devant mes yeux, alors y penser pendant une minute, ça paraît plus long qu’une minute / il ne faut pas que j’oublie de ressortir les comptes de juin pour Clarisse / , le plus atroce, les gens qui se jetaient par les fenêtres, on les voyait, le plongeoir de dix mètres mais là, c’était bien plus haut / on entend des bruits de ventre / Karine / moi aussi je commence à avoir faim / c’est trop horrible, je crois que moi aussi, le feu, c’est atroce / je préfèrerais / tout sauf le feu / me jeter

 

Christophe

j’aurais mieux fait de rester en bas, on a l’air malin, tous, là, qu’est-ce que ça peut être con, la minute de silence, tous, là, comme des moutons / Karine elle fait la sérieuse parce qu’elle s’est mise à côté d’Oléron, je sais pas ce qu’ils trafiquent ensemble, ces deux là, nous, en bas, on n’est au courant de rien, me demande bien pourquoi Barolin lui a signé un CDD, comme si on n’était pas assez nombreux, les derniers arrivés ont la meilleure part, toujours les mêmes qui voyagent, Philip, Bernard qui devait prendre l’avion aujourd’hui, il n’a pas l’air très à son aise, tendu, moi aussi, pour où déjà? Mais qu’est-ce qu’on fout là? ça va durer encore longtemps, cette petite comédie?, j’aurais mieux fait de rester en bas / bien senti que ça se faisait pas, toute la France le fait, il paraît, on n’a pas le choix / Karine il va sûrement l’emmener en voyage, Oléron / dernier arrivé, premier parti / doit avoir un copain, rencontré sur la plage l’été dernier, la première fois que je l’ai vue, ses cheveux étaient blonds comme de la paille / de la paille raide, blonde, change de couleur comme de copain, maintenant ils sont rouges, c’est pas mal, avec le noir, pas roux, non, vraiment rouges, ça lui va bien

 

Romain

Des veines grises comme de minuscules fissures, j’avais jamais remarqué que ce sol était rose, certains ciels tôt le matin / veines régulières comme des petites crevasses / diviser le monde en zones, en damier / un refuge / retranché, il faudrait maintenant se retrancher dans le dessin du sol, rugueux / comment faire avec les images là le sol rose un écran le feu. Un système de défense, la fiction, plus moyen de se dérober, une limite a été franchie / complètement fascinant / pas possible de le dire, mais vraiment fascinant / besoin de voir ces images tout le temps, se repasser les mêmes images l’avion qui arrive on se demande ce qu’il fait et paf il entre dans la deuxième tour, c’est inouï / des écrans partout, difficile de s’arracher / le motif régulier du sol / inventer quoi après? / Mars attacks, Independance day? les images du premier avion, celui qui a eu ça ! / rend la fiction impossible / c’est vrai et pas vrai en même temps / la fumée / être là-bas au milieu des gens qui courent partout / sûrement vrai / difficile à dire tout haut quand même absolument fascinant. Du grand art (du grand, grand art)

 

Antoine Ratier

Jouer la sécurité / pas de déplacements cette semaine, va falloir annuler pas mal de trucs / un risque / le monde entier sous le choc, va falloir réagir, on n’a plus le choix. J’aimerais pas être à la place de Bush / à la télé pas la carrure, ça se voit tout de suite / les voix de la Floride, il doit regretter maintenant / quelque chose a basculé / la démocratie d’un côté, le fanatisme de l’autre / faire quelque chose qui soit à la fois symbolique et qui puisse quand même arrêter ça / il y va de nos libertés / nord-sud la prochaine guerre mondiale / on y est déjà, pas loin / restreindre les libertés, contrôler certaines personnes / pas vraiment le choix / pleins d’entreprises qui se retrouvent à la rue, surtout les PME ça va être difficile / bourse fermée pour la première fois c’était quand la dernière fois? peut-être en 29 / pas un cadeau maintenant l’agence, Barolin, on peut dire qu’il s’en va au bon moment / comment réagir? c’est une guerre et c’est pas comme une guerre / ils nous ont quand même bien aidé les Américains pendant la guerre, maintenant c’est eux qui ont besoin d’aide / vulnérables eux aussi, le découvrent, on ne va pas se laisser faire / sinon c’est toute la Démocratie qui s’effondre avec les tours

 

Franck Boudier

Avril des victimes innocentes, des salariés comme vous et moi, comme Philip, comme Bernard, Véra, même Monsieur Barolin, des directeurs sûrement, Morgan Stanley, Cantor Fitzgerald, des victimes innocentes, victimes de ces inconscients, on a beau dire, ils sont quand même différents, faut s’en méfier / c’est le Moyen Âge, la loi de la jungle / moins civilisés / on peut pas dire ça / assez techniques, quand même, leurs pirouettes aéronautiques, en plein dans le mille / ça, on peut dire qu’ils ont réussi leur coup / la civilisation mal comprise, dans ce qu’elle a de pire / des victimes innocentes / des inconscients, pour eux, la vie compte pour rien, même pas la leur, c’est dire / ça croit gagner son ciel mais si l’enfer existe, il est sûrement pour eux. Il faudrait leur en mettre un bon coup et sans attendre, sinon ils vont recommencer, même à Paris, avec toute cette racaille / des réseaux mondiaux, ils sont partout, dans le métro, les attentats de 86 et à Saint-Michel, c’était déjà eux, des milliers de victimes innocentes, des enfants qui se retrouvent tout seuls / une, dans le journal, elle venait d’avoir un bébé / un bon coup sans attendre, les Américains, ils ont les moyens, tuer ça dans l’œuf

 

Justine

C’est bien gentil mais moi j’ai froid, y a du vent, j’aurais du mettre un pantalon, heureusement ça dure pas trop longtemps / j’aurais été mieux en pantalon / heureusement j’ai pris ma pochette, faut pas trop que ça se voit / on n’a pas trop à se plaindre quand je pense à tous ces gens, c’est atroce ils ont perdu leurs amis leurs collègues de bureau leur bureau leurs ordinateurs / ne plus travailler, plus de bureau / y a du vent dans le pantalon d’Air France, heu, d’Anne-France, elle a l’air fine avec ses pattes d’éph. je me vois vraiment pas avec un truc pareil, ça a l’air chaud mais le vent doit passer à travers, par en-dessous, chaussures assorties au sol, ça, c’est sympa / difficile de penser sur commande / j’arrêtais pas d’y penser et là sur commande, je pense à des conneries, c’est malin / Y aurait pas Anne-France je me sentirais pas si mal à l’aise / j’ai l’impression que tout le monde me regarde / ne pas lever les yeux / elles sont vraiment géniales les chaussures de Véra / toujours super élégante / moi, si j’arrivais à marcher avec ça / aurait eu du mal à descendre à toute vitesse les soixante étages, coincée pendant que ça s’écroule / non, réussir à sortir, courir dans les escaliers, crier, toute noire, la tour qui s’écroule à tes pieds

 

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